Action 6 : Le prix de la construction et l’auto-construction

De Economie Solidaire Brest.

(Retour sur la soirée publique avec des Castors du Pays de Landerneau)
(Filmographie)
 
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* Dagnet J.-Y. : Auto-Eco Construction Accompagnée,  www.youtube.com/watch?v=qnlyHaJdi_8&feature=player_embedded
 
* Dagnet J.-Y. : Auto-Eco Construction Accompagnée,  www.youtube.com/watch?v=qnlyHaJdi_8&feature=player_embedded
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==Version succinte ==
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10 avril 2015, Landerneau
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Programme E²=HP²                
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mené par l’ADESS Pays de Brest  
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et le LABERS EA3149 de l'Université de Brest
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Financé par la Région Bretagne
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La plupart des groupes d'habitat participatif ont recours, au moins en partie, à l'autoconstruction. Cela concerne parfois l'ensemble de la construction, plus souvent le second œuvre, et très souvent les espaces communs. Sans doute cela fait-il partie de la démarche participative, collective, de meilleure appropriation de l'habitat. Mais c'est aussi pour des raisons clairement économiques. Pour autant, l’autoconstruction ne consiste pas seulement à retirer des lignes du budget : cela suppose de trouver des compétences, du temps, et beaucoup d’organisation.
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'''Pierre Servain, du Labers''', propose de dresser un bilan, qui intègre des éléments chiffrables et d'autres qui ne le sont pas. Dans la colonne de l'actif, c'est-à-dire des économies, se trouvent les économies financières liées à la main d’œuvre, celles liées à la mutualisation des outils et des compétences, sans compter le gain en savoir-faire, et en sens donné à la démarche globale. Dans la colonne du passif, il s'agit de valoriser le temps de travail, éventuellement à mettre en rapport avec du salaire non perçu, le coût des doubles loyers si le chantier dure plus longtemps que prévu, le coûts éventuel des reprises d'erreurs, le manque à gagner de l'efficacité des professionnels, le manque à gagner des réductions obtenues auprès des professionnels; de plus, il faut prendre en compte le fait que l'autoconstruction peut compliquer l'obtention de certaines garanties, et par voie de conséquences certaines aides publiques ou crédits bancaires ; enfin, cela amène de la fatigue et du stress.
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'''Les habitants de La Cie Rit, à Saint-Germain-sur-Ille (35)''', comptent l'autoconstruction parmi l'un des leviers principaux pour financer leur habitat à la hauteur de leurs désirs – avec l'autopromotion et le souci de la simplification technique. Cela a supposé un travail important en ce sens avec l'architecte, et une mobilisation très importante de moyens : quatre personnes, pour autant de foyers, ont travaillé pendant une année à temps plein sur le chantier, selon une organisation professionnelle. De plus cela demande d’importantes capacités : gestion de projet, analyse financière, compétences techniques du bâtiment, capacité d'anticipation, de logistique, négociation des matériaux en tant que professionnels... Yvan Le Goff insiste sur le fait que tout s'apprend en faisant, qu'il faut avancer pas à pas, de façon pragmatique, sans se donner des ambitions trop importantes au départ, mais sans avoir peur de s'engager non plus.
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'''Samuel Lanoë, de l'Epok, coopérative d'accompagnement de projets d'habitat participatif''', a cherché quant à lui à comparer le bilan financier de la Cie Rit avec un scénario sans autoconstruction ni autopromotion. Les frais augmentent vite, car ils se basent sur les coûts de construction, en pourcentage, ce qui crée un effet boule de neige jusqu'aux intérêts des emprunts bancaires. Mais, souligne-t-il, tout le monde n'a pas les mêmes compétences de départ que les habitants de la Cie Rit. Par exemple, beaucoup de groupes achètent leur matériaux à prix public, ou se contentent de réductions à 30 %, alors que « le prix public n'existe pas pour les fournisseurs professionnels ». Quant à certaines populations, tels que les seniors, le recours à l'autoconstruction n'apparaît pas vraiment possible. L'autoconstruction reste un moyen possible pour une certaine population, en concurrence avec d'autres moyens de financements, que sont les aides publiques. Plus de précisions sur le rapport de l'Epok.
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'''Maripol Roquefort, de l'habitat groupé Ecocum, à Loperhet (29)''', témoigne que la construction collective ne fonctionne qu'à condition de s'organiser collectivement. Des achats mutualisés de matériaux ou d'outils peuvent devenir embarrassants si tout le monde n'en a pas l'utilité au même moment. Elle insiste par ailleurs sur les effets de chantiers qui s’éternisent, qui provoquent des effets d'usure, de démotivation, de décalage si certains s'installent avant d'autres ; sans compter que cela donne la place aux aléas de la vie : naissances, décès, séparations...
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'''Tony Servain, de l'habitat groupé Ékoumène''', à Brest, annonce quant à lui une économie d'environ 60 à 80 000 € sur un budget total d'un million d'euros, par l'autoconstruction du second œuvre. Lui aussi témoigne avoir beaucoup appris en faisant, pendant le chantier, n'étant pas bricoleur au départ. L'expérience n'a pas toujours été facile, mais elle aura contribué à former une meilleure appropriation, et de façon collective.
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'''Jacques Matelot, des Compagnons bâtisseurs de Bretagne,''' entend quant à lui développer l'autoconstruction comme moyen d'accession sociale à la propriété. Parmi d'autres missions d'accompagnement de projets, le projet de Langouët comprend 10 maisons à 75 % d'autoconstruction, dans un programme qui compte aussi 25 lots libres et 6 locatifs sociaux. Ce projet mobilise plusieurs partenaires : l’Office départemental Néotoa, la Ville, la Communauté de communes, le Département, la Région, et la Fondation Macif. L'un des objectifs est de prouver la faisabilité d'une telle démarche, et sa reproductibilité. La démarche vise à débloquer les réticences des banques et des pouvoirs publics à financer des logements autoconstruits, faute de garantie : c'est le sens de la participation d'un accompagnateur technique et d'un promoteur social à la démarche. De plus, précise-t-il, l'autoconstruction n'est pas une concurrence au marché de la construction, c'est au contraire une ouverture de marché, pour un public qui ne pourrait pas s'engager sans cette condition.
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'''Nicolas Duverger rappelle les rôles du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement (CAUE)'''. Le premier consiste à conseiller des particuliers lors d'entretien d'environ une heure. Il note ainsi le développement de personnes qui se lancent dans l'autoconstruction sans en avoir les compétences, guidés par les magasins de bricolage dont la maîtrise d’œuvre n'est pas le métier. Le second rôle est de « susciter les désirs d'expérimenter de la part des collectivités », malgré la normalisation croissante de la construction. Ces expérimentations visent à une meilleure appropriation par les habitants, principalement dans l'objectif de revitaliser les centres-bourgs.
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En soirée, au cours d'une '''rencontre publique, les participants ont discuté avec des Castors du pays de Landerneau,''' autoconstructeurs des années 1950 et 1960, ceux-là même qui ont obtenu la reconnaissance de l’« apport-travail » dans la législation française. Ce fut l'occasion de faire des parallèles avec l'expérience de l'habitat participatif, mais aussi des différences. En un mot, l'expérience des Castors était une construction collective afin de construire des logements individuels, alors que l'habitat participatif se veut plutôt un moyen de construire du collectif par l'habitat. Retenons deux points par ailleurs : premièrement, l'expérience des Castors s'est réduite dans les années 1970, au fur et à mesure de la mise en place des logements sociaux : l'autoconstruction était vécue comme une obligation, dans un contexte de pénurie de logements, et non comme une revendication, pour un « mieux habiter ». Deuxièmement, la principale économie de l'autoconstruction des Castors se situait dans la sérialisation des procédés de construction (des maisons identiques), ce qui semble contraire aux motivations de la plupart des porteurs de projets des habitats participatifs d'aujourd'hui.

Version actuelle en date du 7 septembre 2015 à 12:15