Action 6 : Le prix de la construction et l’auto-construction

De Economie Solidaire Brest.

(Pour visualiser son support de présentation : cliquez ici)
(Filmographie)
 
Ligne 112 : Ligne 112 :
  
 
===Yvan Le Goff, habitat groupé La Cie Rit, à Saint-Germain-sur-Ille (35)===
 
===Yvan Le Goff, habitat groupé La Cie Rit, à Saint-Germain-sur-Ille (35)===
====Pour visualiser son support de présentation : [https://drive.google.com/open?id=0B-bLlUUE2Hl7TjBHd0xEWGVGcm8 cliquez ici]====
+
Pour visualiser son support de présentation : [https://drive.google.com/open?id=0B-bLlUUE2Hl7TjBHd0xEWGVGcm8 cliquez ici]
  
 
La Cie Rit est un habitat de 4 familles à Saint-Germain-sur-Ille, un centre-bourg à 25 km au nord de Rennes. Il comporte 450m² de logements, et 225m² d'espaces communs : une véranda, des terrasses, des balcons, une buanderie, un atelier, et une salle commune qui va démarrer. Et, en plus, un local vélo, et un jardin avec un potager. L'un des principes premiers au départ du projet était d'aller vite. En automne 2011, ils se sont donné 3 mois pour trouver un terrain. Ils l'ont fait dans ce temps imparti. Puis ils se sont donné deux ans pour emménager. Objectif atteint : l'emménagement a eu lieu entre février et mars, 2014, même s'il reste des travaux à effectuer. La construction se fait en autopromotion : « nous voulions être autonomes sur la conduite du projet, ça nous apparaissait comme une évidence. Nous étions dans une logique coopérative, pas de hiérarchie, pas de délégation, etc. ». Dans ce sens, le groupe choisit de ne pas se baser sur une charte, mais sur des réunions régulières, une par semaine en grand groupe avant le chantier, et une réunion de 10 minutes chaque jour pendant le chantier. La phase de conception du programme architectural se base sur des allers-retours avec l'architecte, ce qui oblige à formuler clairement des positions communes, notamment sur les répartitions entre les espaces privatifs et communs, et sur les questions écologiques.
 
La Cie Rit est un habitat de 4 familles à Saint-Germain-sur-Ille, un centre-bourg à 25 km au nord de Rennes. Il comporte 450m² de logements, et 225m² d'espaces communs : une véranda, des terrasses, des balcons, une buanderie, un atelier, et une salle commune qui va démarrer. Et, en plus, un local vélo, et un jardin avec un potager. L'un des principes premiers au départ du projet était d'aller vite. En automne 2011, ils se sont donné 3 mois pour trouver un terrain. Ils l'ont fait dans ce temps imparti. Puis ils se sont donné deux ans pour emménager. Objectif atteint : l'emménagement a eu lieu entre février et mars, 2014, même s'il reste des travaux à effectuer. La construction se fait en autopromotion : « nous voulions être autonomes sur la conduite du projet, ça nous apparaissait comme une évidence. Nous étions dans une logique coopérative, pas de hiérarchie, pas de délégation, etc. ». Dans ce sens, le groupe choisit de ne pas se baser sur une charte, mais sur des réunions régulières, une par semaine en grand groupe avant le chantier, et une réunion de 10 minutes chaque jour pendant le chantier. La phase de conception du programme architectural se base sur des allers-retours avec l'architecte, ce qui oblige à formuler clairement des positions communes, notamment sur les répartitions entre les espaces privatifs et communs, et sur les questions écologiques.
Ligne 129 : Ligne 129 :
  
 
« '' Pour finir, je me suis rendu compte que quand on présentait cette expérience-là à des gens, ça avait un effet inverse de ce qu'on voulait, ça avait un effet démobilisateur. Alors que pour nous, ça a été facile. Pour moi ça a été facile du début à la fin. On n'a pas eu d'accident de parcours, on n'a pas eu à faire face à des choses trop compliquées. En fait c'est parce qu'on a appris petit à petit. C'est ce que Le Strat  appelle une montée collective en capacité, progressive. Le fait d'être en groupe, le fait d'avoir le temps, c'est monter comme ça doucement, et ça marche. Je crois que ce qui garantit la réussite, c'est de se donner des objectifs à notre portée. On n'a pas mis l'échelle trop haute, à chaque fois c'était accessible, avec nos compétences et nos moyens, avec les copains qu'on avait autour, et les coups de main, etc. Nous avions des compétences avant ce projet, mais nous avons beaucoup appris sur place. Moi je n'y connaissais rien à l'aspect juridique ou administratif, Thomas s'est formé à la compta, aux normes, … On a associé des compétences. Et nous on se dit que c'est juste un habitat, ce n'est pas tous nos fantasmes, tous nos rêves, toutes nos utopies, on ne peut pas tout mettre là-dedans. On a plein d'autres projets, nous sommes investis dans plein d'autres choses. Du coup ça a été simple. Il y a une vraie prise de risque, il y a des assurances qu'on n'a pas prises, des garanties qu'on n'a pas eues, mais on a essayé de le faire en se disant que si on a un problème, qu'est-ce qu'on est capable d'assumer et qu'est-ce qu'on n'est pas capable d'assumer. La charpente on ne le sentait pas, on a fait intervenir un charpentier, et il y a plein d'endroits, si ma plomberie pète, qu'il y a des fuites partout, je vais me démerder, avec le placo je serais emmerdé, mais je sais que je serais capable de l'assumer. On avait effectivement des compétences dans le groupe, et des ressources autour de nous aussi, pas mal de copains qui étaient dans le bâtiment, qui faisaient des échanges, ou du conseil, ou du matériel. Cette idée de maîtrise d'usage, c'est que l'on a personnalisé tout ce qu'on a fait. On a été maître d'ouvrage, maître d’œuvre, et maître d'usage. On a fait une vraie économie, ça c'est clair. On se sent tous plus autonomes et plus capables de faire des choses. Moi j'ai toujours été attaché à cette idée d'autogestion, mais je vois bien que aujourd'hui, que je recommence à travailler, à avoir d'autres projets professionnels, je les aborde différemment. Ce qui nous a réuni, peut-être pas tous dans le groupe, mais quand même, c'est la volonté et l'expérience politique, on l'avait dans le mouvement coopératif, le mouvement associatif, un peu militant, un peu anar, avec des choses organisées, des méthodos, et tout. Pour moi il y a une dimension politique aussi dans le fait de le faire. C'est aussi une forme de résistance. Il y a un certain nombre de choses aujourd'hui qui nous incite à ne pas le faire. Nous, notre expérience, c'est que l'autogestion ça se pratique, ça fait pas peur, ça ne fait pas mal, ça s'apprend. Ça s'apprend sur des objets assez simples, et quand on sait le faire sur des objets simples, on peut le faire sur des objets plus complets. C'est une façon d'agir sur le monde. Un truc que je dis de plus en plus, c'est que tout ce qu'on a fait, si on nous avait dit au début qu'on allait faire tout ça, on ferait comme tous les gens qu'on rencontre et qui viennent nous visiter, on aurait dit « c'est trop compliqué, ce n'est pas pour nous, c'est trop dur ». Mais on a appris au fur et à mesure. On a appris en avançant, étape par étape, et à chaque fois les marches étaient accessibles.'' »
 
« '' Pour finir, je me suis rendu compte que quand on présentait cette expérience-là à des gens, ça avait un effet inverse de ce qu'on voulait, ça avait un effet démobilisateur. Alors que pour nous, ça a été facile. Pour moi ça a été facile du début à la fin. On n'a pas eu d'accident de parcours, on n'a pas eu à faire face à des choses trop compliquées. En fait c'est parce qu'on a appris petit à petit. C'est ce que Le Strat  appelle une montée collective en capacité, progressive. Le fait d'être en groupe, le fait d'avoir le temps, c'est monter comme ça doucement, et ça marche. Je crois que ce qui garantit la réussite, c'est de se donner des objectifs à notre portée. On n'a pas mis l'échelle trop haute, à chaque fois c'était accessible, avec nos compétences et nos moyens, avec les copains qu'on avait autour, et les coups de main, etc. Nous avions des compétences avant ce projet, mais nous avons beaucoup appris sur place. Moi je n'y connaissais rien à l'aspect juridique ou administratif, Thomas s'est formé à la compta, aux normes, … On a associé des compétences. Et nous on se dit que c'est juste un habitat, ce n'est pas tous nos fantasmes, tous nos rêves, toutes nos utopies, on ne peut pas tout mettre là-dedans. On a plein d'autres projets, nous sommes investis dans plein d'autres choses. Du coup ça a été simple. Il y a une vraie prise de risque, il y a des assurances qu'on n'a pas prises, des garanties qu'on n'a pas eues, mais on a essayé de le faire en se disant que si on a un problème, qu'est-ce qu'on est capable d'assumer et qu'est-ce qu'on n'est pas capable d'assumer. La charpente on ne le sentait pas, on a fait intervenir un charpentier, et il y a plein d'endroits, si ma plomberie pète, qu'il y a des fuites partout, je vais me démerder, avec le placo je serais emmerdé, mais je sais que je serais capable de l'assumer. On avait effectivement des compétences dans le groupe, et des ressources autour de nous aussi, pas mal de copains qui étaient dans le bâtiment, qui faisaient des échanges, ou du conseil, ou du matériel. Cette idée de maîtrise d'usage, c'est que l'on a personnalisé tout ce qu'on a fait. On a été maître d'ouvrage, maître d’œuvre, et maître d'usage. On a fait une vraie économie, ça c'est clair. On se sent tous plus autonomes et plus capables de faire des choses. Moi j'ai toujours été attaché à cette idée d'autogestion, mais je vois bien que aujourd'hui, que je recommence à travailler, à avoir d'autres projets professionnels, je les aborde différemment. Ce qui nous a réuni, peut-être pas tous dans le groupe, mais quand même, c'est la volonté et l'expérience politique, on l'avait dans le mouvement coopératif, le mouvement associatif, un peu militant, un peu anar, avec des choses organisées, des méthodos, et tout. Pour moi il y a une dimension politique aussi dans le fait de le faire. C'est aussi une forme de résistance. Il y a un certain nombre de choses aujourd'hui qui nous incite à ne pas le faire. Nous, notre expérience, c'est que l'autogestion ça se pratique, ça fait pas peur, ça ne fait pas mal, ça s'apprend. Ça s'apprend sur des objets assez simples, et quand on sait le faire sur des objets simples, on peut le faire sur des objets plus complets. C'est une façon d'agir sur le monde. Un truc que je dis de plus en plus, c'est que tout ce qu'on a fait, si on nous avait dit au début qu'on allait faire tout ça, on ferait comme tous les gens qu'on rencontre et qui viennent nous visiter, on aurait dit « c'est trop compliqué, ce n'est pas pour nous, c'est trop dur ». Mais on a appris au fur et à mesure. On a appris en avançant, étape par étape, et à chaque fois les marches étaient accessibles.'' »
 
  
 
===Samuel Lanoë, de l'Epok, coopérative d'accompagnement de projets d'habitat participatif===
 
===Samuel Lanoë, de l'Epok, coopérative d'accompagnement de projets d'habitat participatif===
Ligne 193 : Ligne 192 :
  
 
En soirée, au cours d'une rencontre ouverte au public, les participants ont discuté avec des Castors du pays de Landerneau, autoconstructeurs des années 1950 et 1960, ceux-là même qui ont fit valoir l'idée d'« apport-travail » dans la loi française. Ce fut l'occasion de faire des parallèles avec l'expérience de l'habitat participatif, mais aussi des différences. En un mot, l'expérience des Castors était une construction collective afin de construire des logements individuels, alors que l'habitat participatif se veut plutôt un moyen de construire du collectif par l'habitat. Retenons deux points par ailleurs : premièrement, l'expérience des Castors s'est réduite dans les années 1960, au fur et à mesure de la mise en place des logements sociaux : l'autoconstruction était vécue comme une obligation, dans un contexte de pénurie de logement, et non comme une revendication, pour un « mieux habiter ». Deuxièmement, la principale économie de l'autoconstruction des Castors se situait dans la sérialisation des procédés de construction (des maisons identiques), ce qui semble contraire aux motivations de la plupart des porteurs de projets des habitats participatifs d'aujourd'hui.
 
En soirée, au cours d'une rencontre ouverte au public, les participants ont discuté avec des Castors du pays de Landerneau, autoconstructeurs des années 1950 et 1960, ceux-là même qui ont fit valoir l'idée d'« apport-travail » dans la loi française. Ce fut l'occasion de faire des parallèles avec l'expérience de l'habitat participatif, mais aussi des différences. En un mot, l'expérience des Castors était une construction collective afin de construire des logements individuels, alors que l'habitat participatif se veut plutôt un moyen de construire du collectif par l'habitat. Retenons deux points par ailleurs : premièrement, l'expérience des Castors s'est réduite dans les années 1960, au fur et à mesure de la mise en place des logements sociaux : l'autoconstruction était vécue comme une obligation, dans un contexte de pénurie de logement, et non comme une revendication, pour un « mieux habiter ». Deuxièmement, la principale économie de l'autoconstruction des Castors se situait dans la sérialisation des procédés de construction (des maisons identiques), ce qui semble contraire aux motivations de la plupart des porteurs de projets des habitats participatifs d'aujourd'hui.
 +
 +
 +
== Bibliographie==
 +
 +
* Adil 26 : [L'autopromotion], http://adil.dromenet.org/l-autopromotion/l-autopromotion/
 +
 +
* Colin Alberto : « Quels liens entre habitat groupé et autoconstruction ? », dans « L'habitat groupé : une expérimentation sociale entre singulier et collectif », http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2011/colin_a/pdf/colin_a.pdf, pp 52-54
 +
 +
* Trideau Anaïs : « Les solutions financières », dans « L'habitat groupé participatif ou comment vivre ensemble, chacun chez soi, une démarche difficile à concrétiser ? », mémoire de master 2 d'Aménagement, Urbanisme, Diagnostic et Intervention sur les Territoires (AUDIT), Université Rennes 2 / IAUR, octobre 2014, pp 75-80
 +
 +
== Bibliographie complémentaire==
 +
 +
* [Guide de l'autoconstruction], http://www.guide-autoconstruction.com/index.html
 +
 +
* Legris François : « Fiche n°12. Place de l'auto-construction et de l'auto-réhabilitation comme moyen d'accès au logement », dans Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (Aitec) : « Dossier thématique. Le logement. Fiches thématiques et d'expériences », Aitec / Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'Homme, septembre 2007, pp 53-55
 +
 +
* Le Lay Delphine, Boé Marion, Horellou Alexis : 100 maisons. La Cité des Abeilles, Delcourt, 2015
 +
 +
* Maison construction : [Autoconstruction. Quelles économies?], http://www.maison-construction.com/lauto-construction/autoconstruction-quelles-economies.html
 +
 +
* Vilandrau Maurice : L'étonnante aventure des Castors. L'autoconstruction dans les années 50, L'Harmattan, 2002
 +
 +
* Guiavarc'h Yohann: Construire sa maison en commun. L'aventure des Castors, Skol vreizh, n°65, 2012
 +
 +
* Dourdon, Maison pour tous – Centre social de Landernau : L'aventure Castor à Landerneau. Les 523 maisons des 17 cités, Dourdon Editions, 2013
 +
 +
 +
==Filmographie==
 +
 +
* Boé Marion : La Cité des abeilles, Candela productions / France 3 Ouest, 2008, 52min
 +
 +
* Dagnet J.-Y. : Auto-Eco Construction Accompagnée,  www.youtube.com/watch?v=qnlyHaJdi_8&feature=player_embedded
 +
 +
 +
==Version succinte ==
 +
 +
10 avril 2015, Landerneau
 +
Programme E²=HP²                
 +
mené par l’ADESS Pays de Brest  
 +
et le LABERS EA3149 de l'Université de Brest
 +
 +
Financé par la Région Bretagne
 +
 +
La plupart des groupes d'habitat participatif ont recours, au moins en partie, à l'autoconstruction. Cela concerne parfois l'ensemble de la construction, plus souvent le second œuvre, et très souvent les espaces communs. Sans doute cela fait-il partie de la démarche participative, collective, de meilleure appropriation de l'habitat. Mais c'est aussi pour des raisons clairement économiques. Pour autant, l’autoconstruction ne consiste pas seulement à retirer des lignes du budget : cela suppose de trouver des compétences, du temps, et beaucoup d’organisation.
 +
 +
'''Pierre Servain, du Labers''', propose de dresser un bilan, qui intègre des éléments chiffrables et d'autres qui ne le sont pas. Dans la colonne de l'actif, c'est-à-dire des économies, se trouvent les économies financières liées à la main d’œuvre, celles liées à la mutualisation des outils et des compétences, sans compter le gain en savoir-faire, et en sens donné à la démarche globale. Dans la colonne du passif, il s'agit de valoriser le temps de travail, éventuellement à mettre en rapport avec du salaire non perçu, le coût des doubles loyers si le chantier dure plus longtemps que prévu, le coûts éventuel des reprises d'erreurs, le manque à gagner de l'efficacité des professionnels, le manque à gagner des réductions obtenues auprès des professionnels; de plus, il faut prendre en compte le fait que l'autoconstruction peut compliquer l'obtention de certaines garanties, et par voie de conséquences certaines aides publiques ou crédits bancaires ; enfin, cela amène de la fatigue et du stress.
 +
 +
'''Les habitants de La Cie Rit, à Saint-Germain-sur-Ille (35)''', comptent l'autoconstruction parmi l'un des leviers principaux pour financer leur habitat à la hauteur de leurs désirs – avec l'autopromotion et le souci de la simplification technique. Cela a supposé un travail important en ce sens avec l'architecte, et une mobilisation très importante de moyens : quatre personnes, pour autant de foyers, ont travaillé pendant une année à temps plein sur le chantier, selon une organisation professionnelle. De plus cela demande d’importantes capacités : gestion de projet, analyse financière, compétences techniques du bâtiment, capacité d'anticipation, de logistique, négociation des matériaux en tant que professionnels... Yvan Le Goff insiste sur le fait que tout s'apprend en faisant, qu'il faut avancer pas à pas, de façon pragmatique, sans se donner des ambitions trop importantes au départ, mais sans avoir peur de s'engager non plus.
 +
 +
'''Samuel Lanoë, de l'Epok, coopérative d'accompagnement de projets d'habitat participatif''', a cherché quant à lui à comparer le bilan financier de la Cie Rit avec un scénario sans autoconstruction ni autopromotion. Les frais augmentent vite, car ils se basent sur les coûts de construction, en pourcentage, ce qui crée un effet boule de neige jusqu'aux intérêts des emprunts bancaires. Mais, souligne-t-il, tout le monde n'a pas les mêmes compétences de départ que les habitants de la Cie Rit. Par exemple, beaucoup de groupes achètent leur matériaux à prix public, ou se contentent de réductions à 30 %, alors que « le prix public n'existe pas pour les fournisseurs professionnels ». Quant à certaines populations, tels que les seniors, le recours à l'autoconstruction n'apparaît pas vraiment possible. L'autoconstruction reste un moyen possible pour une certaine population, en concurrence avec d'autres moyens de financements, que sont les aides publiques. Plus de précisions sur le rapport de l'Epok.
 +
 +
'''Maripol Roquefort, de l'habitat groupé Ecocum, à Loperhet (29)''', témoigne que la construction collective ne fonctionne qu'à condition de s'organiser collectivement. Des achats mutualisés de matériaux ou d'outils peuvent devenir embarrassants si tout le monde n'en a pas l'utilité au même moment. Elle insiste par ailleurs sur les effets de chantiers qui s’éternisent, qui provoquent des effets d'usure, de démotivation, de décalage si certains s'installent avant d'autres ; sans compter que cela donne la place aux aléas de la vie : naissances, décès, séparations...
 +
 +
'''Tony Servain, de l'habitat groupé Ékoumène''', à Brest, annonce quant à lui une économie d'environ 60 à 80 000 € sur un budget total d'un million d'euros, par l'autoconstruction du second œuvre. Lui aussi témoigne avoir beaucoup appris en faisant, pendant le chantier, n'étant pas bricoleur au départ. L'expérience n'a pas toujours été facile, mais elle aura contribué à former une meilleure appropriation, et de façon collective.
 +
 +
'''Jacques Matelot, des Compagnons bâtisseurs de Bretagne,''' entend quant à lui développer l'autoconstruction comme moyen d'accession sociale à la propriété. Parmi d'autres missions d'accompagnement de projets, le projet de Langouët comprend 10 maisons à 75 % d'autoconstruction, dans un programme qui compte aussi 25 lots libres et 6 locatifs sociaux. Ce projet mobilise plusieurs partenaires : l’Office départemental Néotoa, la Ville, la Communauté de communes, le Département, la Région, et la Fondation Macif. L'un des objectifs est de prouver la faisabilité d'une telle démarche, et sa reproductibilité. La démarche vise à débloquer les réticences des banques et des pouvoirs publics à financer des logements autoconstruits, faute de garantie : c'est le sens de la participation d'un accompagnateur technique et d'un promoteur social à la démarche. De plus, précise-t-il, l'autoconstruction n'est pas une concurrence au marché de la construction, c'est au contraire une ouverture de marché, pour un public qui ne pourrait pas s'engager sans cette condition.
 +
 +
'''Nicolas Duverger rappelle les rôles du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement (CAUE)'''. Le premier consiste à conseiller des particuliers lors d'entretien d'environ une heure. Il note ainsi le développement de personnes qui se lancent dans l'autoconstruction sans en avoir les compétences, guidés par les magasins de bricolage dont la maîtrise d’œuvre n'est pas le métier. Le second rôle est de « susciter les désirs d'expérimenter de la part des collectivités », malgré la normalisation croissante de la construction. Ces expérimentations visent à une meilleure appropriation par les habitants, principalement dans l'objectif de revitaliser les centres-bourgs.
 +
 +
En soirée, au cours d'une '''rencontre publique, les participants ont discuté avec des Castors du pays de Landerneau,''' autoconstructeurs des années 1950 et 1960, ceux-là même qui ont obtenu la reconnaissance de l’« apport-travail » dans la législation française. Ce fut l'occasion de faire des parallèles avec l'expérience de l'habitat participatif, mais aussi des différences. En un mot, l'expérience des Castors était une construction collective afin de construire des logements individuels, alors que l'habitat participatif se veut plutôt un moyen de construire du collectif par l'habitat. Retenons deux points par ailleurs : premièrement, l'expérience des Castors s'est réduite dans les années 1970, au fur et à mesure de la mise en place des logements sociaux : l'autoconstruction était vécue comme une obligation, dans un contexte de pénurie de logements, et non comme une revendication, pour un « mieux habiter ». Deuxièmement, la principale économie de l'autoconstruction des Castors se situait dans la sérialisation des procédés de construction (des maisons identiques), ce qui semble contraire aux motivations de la plupart des porteurs de projets des habitats participatifs d'aujourd'hui.

Version actuelle en date du 7 septembre 2015 à 12:15