Action 5 : Les espaces communs, financement et gestion partagée – Atelier de co-production de savoir à Vannes

De Economie Solidaire Brest.

(Bibliographie complémentaire)
(Bibliographie complémentaire)
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* '''Thomé Pierre''' : « Le bien commun ou les biens communs ? », Médiapart.fr, 5 novembre 2014, (article de journal en ligne) [http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/051114/le-bien-commun-ou-les-biens-communs Cliquez ici]
 
* '''Thomé Pierre''' : « Le bien commun ou les biens communs ? », Médiapart.fr, 5 novembre 2014, (article de journal en ligne) [http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/051114/le-bien-commun-ou-les-biens-communs Cliquez ici]
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== TAble-ronde  ==
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'''''Intervenants :'''''
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*BROUTIN Michel : Association Éco-Habitat Groupé, et habitat Le Sarment des Bénards à Châtenay Malabry
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*RICHARD-DELVIL Clothilde : ex-habitante de l'habitat groupé La Bosse, à Saint Nazaire, et architecte
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*JAMES Christian et FREMONDIERE René : habitants de l’habitat groupé La Bosse, à  Saint Nazaire
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*MARTIN-GOUSSET Claire : habitante de l’habitat groupé La Fonderie à Vanves
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*JAN Pierre-Yves : Associations Éco-Habitat Groupé et Parasol, et habitat groupé La Petite Maison à Rennes
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Dans le cadre du programme E²=HP², co-organisé par l'Association de Développement de l’Économie Sociale et Solidaire du Pays de Brest (Adess) et le Laboratoire d’Étude et de Recherche en Sociologie (Labers) de l'Université Bretagne Occidentale, Brest.
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Cette table ronde est une discussion de l'évolution des espaces communs dans les habitats groupés des années 1970 et 1980 qui ont perduré jusqu'à aujourd'hui. Elle se base sur le témoignage d'habitants (La Bosse à Saint Nazaire, La Fonderie à Vanves, La Petite Maison à Rennes, Le Sarment des Bénards à Châtenay Malabry), et sur la restitution de l'enquête Voyage en terre méconnue. 40 années d'habitats groupés. Recueil d'expériences en support aux initiatives habitantes et institutionnelles actuelles, réalisée par Michel Broutin pour et avec le Conseil d'administration de l'association Éco-habitat Groupé (ex MHGA), avec la collaboration d'Anne D'Orazio et le concours de Claire Carriou et d'Anne Labit, toutes trois chercheuses universitaires spécialisées dans les habitats innovants et solidaires.
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Un document de restitution de l'enquête, daté de novembre 2014, est en vente à 10€ auprès de l'association Éco-habitat Groupé.
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== Présentation des résultats de l'enquête ==
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'''Un travail de recueil d'expériences pour transmettre et échanger'''
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Pour voir le support de présentation d’Eco Habitat Groupé  – [https://drive.google.com/open?id=0B-bLlUUE2Hl7SlJDNFg4dm5uOTA&authuser=0 cliquez ici].
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Pour voir une synthèse de l’étude faite par Eco Habitat Groupé – [https://drive.google.com/open?id=0B-bLlUUE2Hl7VnpHbldBbUNIOGs&authuser=0 cliquez ici.]
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L'association Mouvement de l'Habitat Groupé Autogéré (MHGA) regroupait dans les années 1970 et 1980 des dizaines d'habitats groupés en France. L'association s'est éteinte dans les années 1990, mais plusieurs habitats ont perduré jusqu'à aujourd'hui. Depuis la seconde moitié des années 2000, ce type d'habitat revient sur le devant de la scène, dans le cadre d'un nouveau mouvement. L'association MHGA renaît alors sous l'appellation Éco-habitat Groupé.
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L'idée de ce recueil d'expériences provient de la volonté des membres de cette association de  transmettre leurs témoignages, pour nourrir les réflexions des projets actuels. Michel Broutin rappelle l'importance qu'ont eu les différentes rencontres entre groupements d'habitats des années 1970-80 pour échanger et constituer leurs divers projets, et entend par là continuer à contribuer à cette démarche aujourd'hui. L'enquête est ainsi un prétexte pour rencontrer et échanger avec les groupes d'habitants intéressés, des années 1970-80 et d'aujourd'hui, et non une simple récolte unilatérale.
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Les témoignages ont été recueillis par les membres d'Éco-habitat Groupé, pour beaucoup eux-mêmes des habitants de tels habitats, lors de rencontres avec les habitats concernés. Il s'agit de 24 groupes d'habitants, restés dans le réseau du MHGA, qui ont donné lieu à autant d'entretiens collectifs et à 72 entretiens individuels ou de couples, en mai et juin 2014. Le protocole d'enquête a été encadré par des universitaires.
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L'étude vise à faire le point sur ce que sont devenus les habitats groupés des années 1970-80 (de 1972 à 1995 ; la plupart de ces habitats sont recensés dans [http://hg-rennes.org/images/Articles/Ressources/Bibliotheque/Habitat_autogeres_M_H_G_A_juin_1983.pdf le recueil de 1983 de MHGA : Habitats autogérés, Éditions Alternatives/ Syros].
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L'enquête se décline sur trois thèmes :
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# le vieillissement des habitats et des habitants, et les adaptations et inadaptations des habitats
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# l'évolution des parties communes (thème particulièrement mis en avant lors de cette table-ronde)
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# les mixités sociales, culturelles et générationnelles
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'''Évolution juridique des habitats'''
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La plupart des habitats ont gardé le statut juridique de départ, y compris quand il s'agit de Société Civile Coopérative de Construction (SCCC), statut conçu pour ne durer que le temps de la construction (2 sur 24). En revanche, plusieurs habitats se sont transformés partiellement ou totalement en copropriété (6 sur 24), « par simplicité, notamment au moment des mutations et sur incitation des notaires ou des acquéreurs » (Michel Broutin).
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'''Évolution des usages des espaces communs'''
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Les salles communes, selon les groupes, ont servi, de façons plus ou moins diverses, plus ou moins intenses et régulières, plus ou moins ouvertes sur l'extérieur :
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* à l'activité des enfants (salles de jeux, de boums...)
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* à l'accueil d'amis (chambres ou studios),
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* aux fêtes, aux repas, aux moments de convivialités (entre habitants, ou sur l'invitation de l'un des habitants)
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* aux réunions (de gestion de l'habitat, réunions entre femmes),
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* aux activités artistiques et associatives (théâtre, musique, économie sociale et solidaire, Amap, rencontres sur le thème de l'habitat...)
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* aux activités politiques (constitution de partis politiques locaux, rencontres locales et nationales...)
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* à l’hébergement de sans-abris et de sans-papiers (exemple de la Petite Maison)
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* à la location (assez rare : exemple de La Fonderie ; exemple de Habiterre, habitat de 2011)
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''Note'' : il y a peu de cuisines communes, contrairement aux habitats groupés nordiques et allemands
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Certains espaces communs deviennent obsolètes. Le labo photo est un exemple récurrent, ainsi que l'atelier de tirage de tracts sur le rodéo. La salle pour les enfants est le cas le plus fréquent, quand les enfants ont grandi.
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La question du bruit dans la salle commune, centrale et mal isolée, est revenue dans le témoignage de beaucoup de groupes. Le bruit ne dérange personne quand tout le monde participe aux fêtes, mais devient une gêne quand ce n'est plus le cas.
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Cela donne lieu à plusieurs types de réactions :
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* appropriation, privatisation des espaces par des habitants, ce qui est accepté ou non par le groupe, quelque fois par fait accompli, quelquefois par achat changement de fonction des espaces, pour qu'ils restent collectifs.
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'''Règles de fonctionnement des espaces communs'''
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Certains groupes ont établi peu de règles de fonctionnement au départ, d'autres se sont munis de chartes et règlements assez précis.
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La règle de fonctionnement la plus commune est que les activités dans les locaux se font avec la participation d'au moins une personne habitante, et sous sa responsabilité.
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Au niveau du ménage, les habitants assuraient pour la plupart l'entretien de leurs habitats et des espaces communs, mais avec le temps, (moins de temps, plus de moyens financiers, l'âge avançant, constat que c'est toujours les mêmes qui s'occupent des travaux ménagers), il est de plus en plus souvent fait appel à des professionnels extérieurs (souvent des associations d'insertion).
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Il reste des chantiers qui mobilisent collectivement, pour certaines réfections (peinture, réparations... quand ce n'est pas confié à un professionnel extérieur), et notamment pour le jardin (y compris dans des logements sociaux tels que les Naïfs et La Viorne, où les bailleurs sont ravis d'une telle participation des habitants). Cela permet d'inclure les nouveaux arrivants.
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'''Évolution des habitants et des dynamiques de groupe'''
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Les trois quarts des habitants en propriété (copropriétés ou propriété collectives par le biais de sociétés) sont restés dans leur logement. Les départs sont généralement dus à des raisons professionnelles ou familiales. La tendance est alors très majoritaire : les habitats et les habitants vieillissent.
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Les groupes en locatif connaissent évidemment une plus forte rotation. Cela assure un plus fort renouvellement des générations.
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« ''C'est une question qu'on doit se poser en France. Dans les pays nordiques, ils ont osé faire des opérations avec des grandes tailles, de 20, 30, 40, 50, 60 logements. Ce n'est pas notre approche, parce qu'on a l'impression que ce serait plus anonyme, mais ils réussissent à faire des choses vraiment solidaires. Il y a toujours de l'activité, de la vitalité. Il y a une chose que l'on n'a pas fait en France, c'est de mettre des cuisines en commun. En général dans les groupes il y a des repas toutes les semaines. Il y a des groupes où c'est quatre fois par semaine, les gens qui veulent s'inscrivent. On n’a pas trop réfléchi à ça en France. C'est culturel. La cuisine, en France, c'est spécial !'' » (Pierre-Yves Jan)
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Le renouvellement des habitants est le plus souvent vécu comme une difficulté. Sont questionnées et évaluées les volontés de vie collective des habitants présents et des candidats, leurs projets de vie, et leurs situations économiques. Il est arrivé que les nouveaux arrivants ne partagent pas particulièrement le projet collectif, ce qui contribue à affaiblir l'aspect collectif.
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''Note'' : le livre à propos d'Habitat différent à Angers (Bacqué Marie-Hélène, Vermeersch Sandrine : 2007, Changer la vie ? Les classes moyennes et l’héritage de mai 68, Les Éditions de l’Atelier, 160p) montre bien que la non-participation des nouveaux arrivants à l'expérience de la construction du projet joue pour beaucoup dans leur intégration plus difficile au groupe, ce qui contribue aussi à une perte de dynamique de groupe.
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La cooptation est une règle quasi unanime. L'exemple de Park an Denved à Saint-Brieuc est une illustration par défaut : le bailleur social a récemment dénoncé le fonctionnement par cooptation et le surcoût relatif à la gestion de la salle commune (contraire aux règles classiques du locatif social), et depuis lors l'association se limite à la gestion de la tondeuse.
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Quant à l'évolution de la vie collective, plusieurs scénarii sont vécus :
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* dans certains cas, la vie collective se maintient avec le temps,
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* dans d'autres, elle se restreint à un nombre d'habitants de plus en plus petits au fur et à mesure des départs et arrivées,
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* dans d'autres encore, elle s'estompe globalement au fur et à mesure du temps, avec le départ des enfants, l'ancienneté du projet d'habitat, et l'âge avançant des habitants,
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* ou alors, les nouveaux arrivants donnent au contraire un nouveau souffle aux activités collectives, quand ils sont venus précisément pour ça (exemple des habitats en locatif La Viorne, Habitat différent, les Naïfs).
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'''L'évolution des surfaces et le besoin de nouveaux équipements'''
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Alors que certains locaux communs deviennent obsolètes, les évolutions des foyers (enfants qui naissent, enfants qui grandissent, enfants qui partent, séparations...), le vieillissement des habitants et des habitats impliquent de nouveaux besoins.
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Certaines architectures permettent de moduler des appropriations de surfaces en fonction des besoins grandissants ou s'amoindrissant, en jouant sur les multiples entrées avec des salles ou coursives communes. Cela est vécu comme une grande qualité architecturale dans le temps.
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Plusieurs groupes regrettent de ne pas avoir suffisamment provisionné d'argent en réserve pour assurer les travaux d'entretien.
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''Note'' : l[https://partagetoit.files.wordpress.com/2011/03/110216-resultats-enquete-habitat-groupe-_-relier1.pdf 'enquête de Relier de 2010] : Résultats de l'enquête Outils financiers pour l'habitat groupé, a noté que peu de groupes des années 2000 et 2010 ont prévu de tels fonds de réserve, eux non plus.
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Le financement des espaces et équipements communs se font soit par un principe égalitaire (généralement au tantième), soit par un principe solidaire (en fonction de la capacité financière des habitants). Au fur et à mesure du temps, plusieurs groupes ont délaissé des modes de financement solidaires au profit de mode de financement égalitaires, « pour des raisons de simplicité », parfois par réticence des nouveaux arrivants.
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La question de l’ascenseur est un cas récurent, pour des habitats de trentenaires et quarantenaires des années 1970 et 1980 qui sont devenus moins jeunes aujourd'hui. Il est rare que des fonds aient été provisionnés à cet effet, ni qu'un espace ait été pensé en amont. Cet investissement important est une source de discussions, parfois difficiles, pour plusieurs groupes. De façon classique, cela divise les plus riches et les moins riches, et ceux qui habitent aux différents étages. La nécessité de ce nouvel équipement réactive nécessairement la nécessité de trouver des modalités de décisions collectives, quand celles-ci se sont estompées avec le temps. Plusieurs habitants notent alors la difficulté d'investir encore (financièrement), et de se réinvestir encore (humainement), quelque trente à quarante ans après l'installation.
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D'autres problématiques vont certainement apparaître dans les années à venir avec le vieillissement avançant. L'habitant de la Bosse indique ainsi que le groupe s'avance vers une répartition des charges entre ceux qui peuvent travailler (les jeunes) et ceux qui peuvent payer (les anciens) (choix « pragmatique » fait en fonction des réalités du groupe d'habitants).
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'''Évolution de la valeur financière des espaces communs'''
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Il y a eu trop peu de ventes de logements pour mesurer l'évaluation financière des espaces communs lors de revente, mais il apparaît que ceux-ci, dans les quelques expériences existantes, n'ont finalement eu que peu d'impact, ni en termes de valorisation, ni en termes de dévalorisation. Les ventes se font de façon classique, en prenant en compte le prix des mètres carrés de la localité.
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== Présentations des habitats des années 1970-80 présents ==
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=== Présentation des usages des espaces communes de la Bosse, Saint-Nazaire ===
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Habitat de 10 appartements, construit en 1981, bâtiment en long, de 1000m² au sol, R+3, entre 1800m² et 1900m² au total, en copropriété.
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L'habitat compte 250m² de locaux communs de rencontre au départ, plus 240m² d'espaces de circulation intérieures (hall d'entrée, coursives, escaliers...).
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Le bâti est en 4 niveaux, le rez-de-chaussée comporte les espaces communs et trois appartements. Tous les niveaux sont reliés par des couloirs et coursives. Tous les appartements, sauf deux sur un niveau, sont sur deux niveaux et même un sur trois niveaux (ce qui fait penser à Ecologis, projet récent de Strasbourg, où tout le rez-de-chaussée est consacré aux locaux communs : salle commune, garage, etc. La Maison des Babayagas, autre projet récent à Montreuil, est sur le même principe, avec une salle publique, gérée par la municipalité).
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Depuis, la salle pour les enfants (30m²) a été achetée par l'un des foyers copropriétaires (les enfants préféraient jouer dans la salle des adultes), ainsi que la salle de télévision (l'idée était de regarder la télévision de façon collective) (12m²).
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Aujourd'hui, il reste 206m² de locaux communs (448m² en comptant les espaces de circulation). À savoir : une salle commune (55m², bien orienté au sud), un garage à vélos (67m²), un séchoir, une buanderie, une cave, une cave à vin (avec des compartiments privés, mais ouverts (sauf un!)), un atelier, un cellier.
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La salle commune sert, comme depuis l'origine, aux réunions internes et à des personnes ou des groupes extérieurs, sous la responsabilité et en principe la présence d'un des copropriétaires, qui invite.
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Le financement des charges de fonctionnement des espaces communes est resté le même depuis le début, au tantième. La copropriété a un budget annuel entre 10 000 et 11 000€, et 70 à 120€ par logement par mois. Cela recouvre tous les frais d'entretien (y compris le ménage des communs) : « ''Au début c'est nous qui nous occupions de l'entretien, et maintenant on a embauché quelqu'un. On a énormément de coursives, on en a eu marre de les faire ! C'est pris en charge par les charges communes'' ». Cela sert aussi au remplacement des équipements (il y a 3 machines à laver pour 10 familles), et à un fonds de réserve pour ce type de financements.
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« ''Il faut reconnaître que la vente des locaux communs qui n'avaient plus d'usage nous a bien aidé pour accomplir certains travaux », tels que le remplacement des parois en plastiques des coursives par des vitrages.
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Les gros travaux donnent lieu à de grandes discussions. Récemment, le plus important est celui d'un  ascenseur. Cela était prévu sur les plans de départ. Mais la discussion à propos du financement à durer 2 ans, avant d'opter pour un élévateur qui donne entière satisfaction (pour 4 personnes, moins rapide et en maintenant le doigt appuyé sur l'étage désiré, mais beaucoup moins onéreux qu'un ascenseur).''
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=== Présentation des usages des espaces communes de la Fonderie, Vanves ===
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Logement de 10 familles, construit en 1985, en SCCC.
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La Fonderie loue son espace commun principal, chose assez rare dans les habitats groupés. Il s'agit d'un appartement complet, celui qui a le plus accès au jardin, avec deux chambres d'amis.
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« ''On se disait que si on ne rentrait pas dans nos prix, tant pis, on le vendra, et il nous restera d'autres choses collectives ». Le groupe a finalement pu garder cet appartement commun. Aujourd'hui encore, « les chambre d'amis sont pleines tout le temps ». Il y a un cahier de réservation pour les chambres. « C'est nous qui payons si ce sont des copains qui viennent (6€ la nuit). On fait payer pour l'entretien. Au départ c'est nous qui faisions le ménage dans les coursives, et puis avec le temps on a fait appel à une entreprise d'insertion, alors il faut la payer, et puis l'électricité, la vaisselle. On fait payer aussi quand des associations utilisent le local, pour des fêtes ou autre. Ça couvre les frais.'' »
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Autres espaces collectifs : une salle de jeux pour les jeunes, « ''qui est devenue une salle de boum dans les années lycées des enfants, avec des toilettes qui ont été taguées et retaguées, c'était leur truc, géré collectivement. De temps en temps on leur disait quand même qu'il fallait peut-être faire le ménage !'' » Il y a aussi un sèche-linge professionnel (mais chaque foyer lave son linge chez soi), un local photo, un atelier, une cave à vin, une cave et un local à vélos.
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« ''Au départ, on voulait un espace collectif, mais on ne savait pas trop à quoi ça allait nous servir. On se retrouvait surtout dans le jardin quand il faisait beau, on faisait des barbecues dehors. Et puis très vite, comme on habitait à Vanves, dans un endroit où il y avait très peu de pièces associatives, avec une mairie de droite qui ne voulait surtout pas voir de citoyens, il se trouvait qu'on était tous parents d'élèves d'une école publique mais assez originale dans sa pédagogie, et on a rencontré comme ça énormément de gens, et la Fonderie est devenue un lieu où des réunions ont été possibles, des réunions de citoyens. Ça a permis, pendant les deux dernières mandatures municipales, de créer une liste Verts et citoyenne.'' »
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Michel Broutin précise que d'autres expériences de groupes d'habitants des années 1970-80 ont elles aussi contribué à la constitution de groupes d'opposition municipales, ou à d'autres échelles politiques, certaines arrivant même à emporter des élections. Plusieurs associations sont nées elles aussi dans ces contextes, notamment dans le milieu de l'économie sociale et solidaire, ou collaborative (Amap, Artisans du monde...).
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« ''Au cours des années, cette salle commune a été plus une ouverture sur le quartier qu'une utilisation par les habitants. Même si elle a aussi été utilisée pour faire des fêtes, des fêtes d'amis, ou du théâtre, ou des choses comme ça, où c'est des gens qu'on connaît, ce n'est pas n'importe qui. Mais après, avec le fil du temps, on n'y est plus, on fait confiance a priori.''»
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''« Nous on était 8 familles, on ne se connaissait pas tous, on était 3 au départ à avoir eu envie de créer ce projet, et puis nous avons publié des annonces par Télérama pour dire qu'on cherchait des gens pour vivre avec nous. Des gens qui sont venus, qui avaient l'idée de vivre un peu différemment, qui se sont agglomérés, mais je ne dirais pas qu'on est un truc très collectif, pas avec tous les habitants. Par contre, ce qui est très collectif, c'est ce que ça a permis, la création d'une AMAP par exemple, et moi c'est ce qui me paraît intéressant. »''
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« ''L'autre problème, c'est le vieillissement des troupes. Les enfants sont partis. Nos habitats sont très grands, nous on vit maintenant à deux dans un 150m². On est au 4e étage, sans ascenseur, et on commence à se demander ce qu'on va faire. C'est assez compliqué. Surtout que pour certaines questions on est en SCCI, revendable, on attend que la loi Alur se mette vraiment en place, mais les gens qui étaient un peu intéressées ont un peu peur, les banques ne nous soutiennent pas du tout pour les prêts pour ce genre d'endroits, donc on est dans une période où certains veulent partir parce que la vie a changé – on est les mêmes que depuis le début'' ».
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''Le bâtiment a mal vieilli, avec une isolation très en dessous des normes actuelles. « En plein hiver, les murs du dessous sont à 8° ! »''
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Le vieillissement de l'habitat contrarie le maintien des habitants dans ce logement, mais il contrarie aussi la revente, du moins si les habitants veulent financer un logement équivalent par cette vente. « Des jeunes ne peuvent plus se permettre d'acheter ce que nous avons fait, à Vanves. Donc on se retrouve avec un certain style de population qui a envie d'être dans du collectif mais quand même pas trop. La cave à vin fait toujours réagir, « ''vous ne vous faîtes pas voler vos bouteilles ? », « non, c'est basé sur une relation de confiance », mais la confiance aujourd'hui il n'y en a plus trop, surtout quand on arrive à un certain niveau de catégorie sociale, parce que ça a un certain coût. Donc on est un peu coincé dans notre histoire. On ne peut pas vendre, si nous voulons aller habiter ailleurs''. »
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Olaf Malgras, promoteur immobilier coopératif, précise à ce propos que « nous avons vécu pendant 30 ans sur l'idée qu'un bien immobilier prenait de la valeur, mais nous sommes maintenant dans une situation où un bien immobilier perd de la valeur, comme une voiture qui s'use, avec toutes les nouvelles normes qui s'imposent. Des ménages qui ont investis il y a trente ans à Rennes sont des ménages ruinés. Ils ont emprunté pour acheter, et ils ne peuvent pas mettre aux normes. Leur bien ne vaut plus rien aujourd'hui, il n'y a plus que le terrain qui a de la valeur. C'est un problème de génération, nous sommes une génération où notre bien a dégringolé. Alors que dans les années 2000, il y a des biens qui ont doublé en quelques années. »
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Claire (de la Fonderie) reprend « ''Au départ, on était toujours sur la règle de l'unanimité, puis on est passé à la majorité. Maintenant, sur les questions des isolations et des rénovations, on est plus sur du « débrouille-toi », et je trouve ça difficile !'' »
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=== Présentation des usages des espaces communes de la Petite Maison, Rennes ===
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4 familles installées en 1987, en SCCC
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Le foncier, de 1000m², n'a pas coûté cher puisqu'il s'agissait d'une ruine vendue par la Mairie de Rennes. Cela a permis de financer les locaux communs, qui n'ont pas été construits en un coup. La chambre d'amis a été construite après coup.
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La chambre d'amis sert « un mois sur trois ou la moitié du temps à accueillir des personnes qui n'ont pas de place au 115. Actuellement c'est des réfugiés du Kosovar. L'une des familles est très impliquée dans les solidarités avec les sans-frontières, je dirais. Donc, la chambre d'amis sert pour des amis, et pour une cause. » Il s'agit parfois d'autres types de causes, ou d'activités. Dans ce cas, « ce n'est pas le groupe qui est engagé, mais le groupe soutient l'engagement de chacun, à sa façon », qu'il s'agisse de réunions, de musique, ou autre. « C'est un plus, qu'on n'aurait pas sans cet espace commun. C'est un plus pour vivre sa vie de citoyen. Ce ne serait peut-être pas aussi commode dans des équipements publics, et puis ce serait moins sympa ».
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Autres espaces communs : « on n'a pas de buanderie, parce qu'il fallait enlever ses chaussons. Au départ on s'est trouvé avec des logements un peu mitoyens, et pour sortir dans les parties communes, ce n'est pas comme chez vous où il y a des coursives, il faut mettre sa capuche, et le fait qu'on ne puisse pas garder ses chaussons pour aller à la buanderie a été un frein. Par contre, on a installé un fil à linge. Dans notre société, aujourd'hui, partager un fil à linge, ça devient un problème ! On a beaucoup de visites, et tout le monde s'étonne de notre fil à linge ! Et l'intimité ? Et si quelqu'un se trompe ? Vous pourrez regarder, les immeubles où il y a des fils à linge sont devenus rares ! »
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L'habitat comprend aussi des panneaux solaires, ce qui permet de financer les charges des équipements communs.
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« ''On n'a pas assez anticipé notre vieillissement, et le changement de composition des ménages, avec le départ des enfants. On regrette de ne pas avoir fait en sorte que les logements soient séparables à terme, comme certains groupes l'ont fait.'' »
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=== Présentation des usages des espaces communes du Sarment des Bénards (Châtenay-Malabry) ===
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Groupe de 4 logements, construit en 1995
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Une salle commune.
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« ''À l'origine c'était un projet qui portait sur 11 logements, pour lequel on a réussi à trouver un terrain dans une ZAC avec l'accord municipal, et puis lors de l'avancée dans le projet il est arrivé un moment où une partie du groupe n'a plus eu confiance dans l'architecte pour mener à bien la construction de l'immeuble dans les prix qu'on pouvait atteindre. Du coup, il y a eu une séparation du groupe en deux, et du terrain aussi. Certains, dont je fais partie, ont choisi de changer d'architecte, et sont allés chercher un architecte qui avait déjà construit un habitat participatif, au Kolkhoze. Avec lui nous avons été rassuré, à la fois sur la mission demandée et à la fois sur le mode de fonctionner avec l'architecte et le groupe. Parce que ce n'est pas forcément simple. L'architecte précédent disait oui à tout le monde, il ne mettait pas le groupe devant ses responsabilités de choix à faire pour faire un projet commun. On a réussi assez rapidement à monter une salle commune. Elle est relativement petite, n'étant qu'à quatre, mais c'est quand même quasiment 10 % de nos surfaces d'habitation en commun, en  plus. Et donc il a fallu les financer. L'autre groupe qui après deux ans d'atermoiements a fini par comprendre aussi qu'il fallait changer d'architecte, entre temps ils avaient perdu pas mal de fric et ils ont choisi de sabrer les locaux communs, et donc de perdre l'aspect participatif. Sauf que on a quand même gardé un jardin commun, qui nous sert principalement à nous, parce que comme on a gardé l'esprit collectif, on fait des grandes fêtes, y compris dans la partie de jardin qui est théoriquement à eux, et aux nous laissent faire. C'est ce qu'on a gagné dans cette séparation !'' »

Version du 17 mai 2015 à 10:03