Action 3 : Quelle équation pour un accès au foncier avec l'habitat participatif ?

De Economie Solidaire Brest.

(Présentation de l'atelier)
(CR de l'atelier)
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La question de la recherche du foncier se pose de façon immédiate pour les projets d’habitat participatif. Très vite ils se heurtent à un marché plus ou moins accessible en fonction des moyens dont ils disposent. Dès leurs premières démarches, certains interpellent les pouvoirs publics locaux, espérant obtenir une intervention spécifique de leur part. Comment les projets d’habitat participatif parviennent-ils à s’insérer dans les marchés du foncier et du logement, dont il convient de comprendre les principaux mécanismes et en particulier ceux qui conduisent à la spéculation ? Quels rôles peuvent jouer les pouvoirs publics avec les outils de régulation dont ils disposent pour répondre à la demande sociale des groupes d’habitants ? Quelles évolutions se dessinent à présent avec l’application de la loi ALUR ?
 
La question de la recherche du foncier se pose de façon immédiate pour les projets d’habitat participatif. Très vite ils se heurtent à un marché plus ou moins accessible en fonction des moyens dont ils disposent. Dès leurs premières démarches, certains interpellent les pouvoirs publics locaux, espérant obtenir une intervention spécifique de leur part. Comment les projets d’habitat participatif parviennent-ils à s’insérer dans les marchés du foncier et du logement, dont il convient de comprendre les principaux mécanismes et en particulier ceux qui conduisent à la spéculation ? Quels rôles peuvent jouer les pouvoirs publics avec les outils de régulation dont ils disposent pour répondre à la demande sociale des groupes d’habitants ? Quelles évolutions se dessinent à présent avec l’application de la loi ALUR ?
  
====CR de l'atelier====
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====Retranscription de l'atelier====
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=====Propos introductifs par Pierre Servain=====
  
 
''Pierre Servain'' : La recherche du foncier est une étape fondamentale pour tout projet d'habitat participatif. Les expériences recensées des habitats participatifs (voir en bibliographie) montrent que c'est le foncier qui concrétise le projet, lui donne sa forme, en terme de taille, d'implantation, de la vie qui environne le logement, de budget. Il s'agit d'un engagement dans le concret, lié avec les constitutions d'emprunts et de financements bancaires. C'est quand il se positionne sur un foncier qu'un groupe prend sa forme quasi définitive, selon les attentes et possibilités de chacun. C'est autour de lui que se cristallisent les attentes, les espoirs et les déceptions des futurs habitants. Or, dans l'habitat participatif, peut-être encore plus que dans dans tout type d'habitat, les habitants cherchent un mieux-vivre. Le choix du foncier constitue ainsi une des principales confrontations entre les rêves, les projets de vie, les exigences, les désirs de réalisation, et les compromis, les rappels à l'ordre du réel. Cette recherche prend souvent plusieurs années. Selon les expériences recensées, la moitié des groupes d'habitants trouvent leur foncier par les voies classiques du marché – c'était la très grande majorité des habitats groupés des années 1970 et 1980. Dans d'autres cas, des collectivités territoriales, et principalement des municipalités, assurent leur soutien, par une veille foncière, par une vente au prix de logements sociaux, ou par une proposition de terrain (généralement dans le cadre d'une ZAC, d'un appel à projet, ou pour des terrains hors marché). Cette aide permet de défaire les groupes de la concurrence inégale des promoteurs, mais pas des risques de désillusions : les expériences ne se révèlent pas toujours plus faciles (nous avons des exemples de propositions de terrains non constructibles : les terrains « hors marché » le sont rarement sans raison...), sans compter qu'elles impliquent des contre-parties plus ou moins acceptées, intégrées, par les futurs habitants.
 
''Pierre Servain'' : La recherche du foncier est une étape fondamentale pour tout projet d'habitat participatif. Les expériences recensées des habitats participatifs (voir en bibliographie) montrent que c'est le foncier qui concrétise le projet, lui donne sa forme, en terme de taille, d'implantation, de la vie qui environne le logement, de budget. Il s'agit d'un engagement dans le concret, lié avec les constitutions d'emprunts et de financements bancaires. C'est quand il se positionne sur un foncier qu'un groupe prend sa forme quasi définitive, selon les attentes et possibilités de chacun. C'est autour de lui que se cristallisent les attentes, les espoirs et les déceptions des futurs habitants. Or, dans l'habitat participatif, peut-être encore plus que dans dans tout type d'habitat, les habitants cherchent un mieux-vivre. Le choix du foncier constitue ainsi une des principales confrontations entre les rêves, les projets de vie, les exigences, les désirs de réalisation, et les compromis, les rappels à l'ordre du réel. Cette recherche prend souvent plusieurs années. Selon les expériences recensées, la moitié des groupes d'habitants trouvent leur foncier par les voies classiques du marché – c'était la très grande majorité des habitats groupés des années 1970 et 1980. Dans d'autres cas, des collectivités territoriales, et principalement des municipalités, assurent leur soutien, par une veille foncière, par une vente au prix de logements sociaux, ou par une proposition de terrain (généralement dans le cadre d'une ZAC, d'un appel à projet, ou pour des terrains hors marché). Cette aide permet de défaire les groupes de la concurrence inégale des promoteurs, mais pas des risques de désillusions : les expériences ne se révèlent pas toujours plus faciles (nous avons des exemples de propositions de terrains non constructibles : les terrains « hors marché » le sont rarement sans raison...), sans compter qu'elles impliquent des contre-parties plus ou moins acceptées, intégrées, par les futurs habitants.
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=====Intervention de Christian Faliu sur les Community Land Trust=====
 
=====Intervention de Christian Faliu sur les Community Land Trust=====
  
'''Christian Faliu''' : La première chose que je voulais dire, c'est qu'il y a une grande différence entre les projets d'habitat groupé des années 1970-1980 et ceux des années 2000. En 19870-1980, les gens étaient dans des démarches autonomes, d'ailleurs ça s'appelait l'habitat autogéré, et c'était des gens qui n'avaient pas pris le pli qu'on a pris depuis, lorsqu'on a une demande d'ordre d'intérêt général ou social, d'aller voir le public pour avoir des subventions. Ils ne se sont pas mis en associations, ils se sont mis en SCI tout de suite. C'est-à-dire qu'il ont pris la posture d'un statut professionnel. D'ailleurs ça a posé des problèmes, parce que à l'époque quand on n'avait pas les cartes professionnelles en main, on ne pouvait pas déposer de permis collectif. Je pense que c'est deux choses à regarder, et qui vont être un des points que nous, dans [http://www.communitylandtrust.fr/index.php l'association CLT France [ Cliquez ici<nowiki>]</nowiki>] [Community Land Trust], on va avoir à gérer, parce que ce sont des contextes où on positionne les statuts des acteurs. Et ces statuts d'acteurs vont avoir des conséquences à la fois juridiques et financières, avec un effet temporel, sur des durées. Ce que vais vous présenter maintenant, c'est sur le site internet du CLT France. Le processus est en train de se mettre en place avec des chercheurs, des représentants d'associations, les Robins des villes, HESP'ère 21, le groupe CLT Bruxelles, des personnes physiques - en général ce sont des architectes ou des urbanistes-, et puis des sociétés. Pour le moment on est une des seules entreprises à être rentrée, mais il y a en a d'autres qui sont en train de rentrer, avec des majors, ce qui me fait peur, je n'imagine pas les dégâts collatéraux si Veolia ou Nexity rentre un jour... L'exposé, ça va être très rapide, c'est en cinq points. Le premier : Qu'est-ce qu'un CLT ? C'est relativement simple, trois éléments structurent sa particularité :
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'''Christian Faliu''' : La première chose que je voulais dire, c'est qu'il y a une grande différence entre les projets d'habitat groupé des années 1970-1980 et ceux des années 2000. En 19870-1980, les gens étaient dans des démarches autonomes, d'ailleurs ça s'appelait l'habitat autogéré, et c'était des gens qui n'avaient pas pris le pli qu'on a pris depuis, lorsqu'on a une demande d'ordre d'intérêt général ou social, d'aller voir le public pour avoir des subventions. Ils ne se sont pas mis en associations, ils se sont mis en SCI tout de suite. C'est-à-dire qu'il ont pris la posture d'un statut professionnel. D'ailleurs ça a posé des problèmes, parce que à l'époque quand on n'avait pas les cartes professionnelles en main, on ne pouvait pas déposer de permis collectif. Je pense que c'est deux choses à regarder, et qui vont être un des points que nous, dans [http://www.communitylandtrust.fr/index.php l'association CLT France [ Cliquez ici<nowiki>]</nowiki>] [Community Land Trust], on va avoir à gérer, parce que ce sont des contextes où on positionne les statuts des acteurs. Et ces statuts d'acteurs vont avoir des conséquences à la fois juridiques et financières, avec un effet temporel, sur des durées. Ce que vais vous présenter maintenant, c'est sur le site internet du CLT France.  
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Le processus est en train de se mettre en place avec des chercheurs, des représentants d'associations, les Robins des villes, HESP'ère 21, le groupe CLT Bruxelles, des personnes physiques - en général ce sont des architectes ou des urbanistes-, et puis des sociétés. Pour le moment on est une des seules entreprises à être rentrée, mais il y a en a d'autres qui sont en train de rentrer, avec des majors, ce qui me fait peur, je n'imagine pas les dégâts collatéraux si Veolia ou Nexity rentre un jour...  
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L'exposé, ça va être très rapide, c'est en cinq points. Le premier : Qu'est-ce qu'un CLT ? C'est relativement simple, trois éléments structurent sa particularité :
 
* faire en sorte que le terrain devienne une valeur qui ne soit plus une variable. Donc on extrait le terrain de la valeur du prix, que le CLT va céder ou louer, avec le fait que l'on inscrit dans la valeur du prix le calcul du prix de revente.
 
* faire en sorte que le terrain devienne une valeur qui ne soit plus une variable. Donc on extrait le terrain de la valeur du prix, que le CLT va céder ou louer, avec le fait que l'on inscrit dans la valeur du prix le calcul du prix de revente.
 
* une garantie de nouvel acquéreur à long terme. Ça revient à la pérennisation d'une subvention, pour éviter qu'elle fonde dès les réattributions, ou pendant seulement quelques années.
 
* une garantie de nouvel acquéreur à long terme. Ça revient à la pérennisation d'une subvention, pour éviter qu'elle fonde dès les réattributions, ou pendant seulement quelques années.
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Le deuxième élément, c’est la destination du terrain. Le Community Land Trust est définitivement propriétaire du terrain. Ce qui posera une question en France avec le droit de préemption des villes quand ils changent leur Plan d'Occupation des Sols, leurs SCOT et trucs comme ça, sur des DUP par exemple. Ce point peut poser problème. Les destination des terrain, c'est du tout azimut. Il n'y a pas de ségrégation par rapport à ça, cela à la fois pour avoir des arguments contre l'accusation de concurrence déloyale, ce qui est très sensible dans les pays anglo-saxons, et à la fois pour permettre une mixité, dans l'organisation du programme pour son équilibre d'une ingénierie financière durable, qu'on puisse intégrer aussi, comme le font les Allemands, des éléments qui sont des éléments d'activité ou de services à la personne, et qui auront leur propre économie de retours sur investissements sur le projet.
 
Le deuxième élément, c’est la destination du terrain. Le Community Land Trust est définitivement propriétaire du terrain. Ce qui posera une question en France avec le droit de préemption des villes quand ils changent leur Plan d'Occupation des Sols, leurs SCOT et trucs comme ça, sur des DUP par exemple. Ce point peut poser problème. Les destination des terrain, c'est du tout azimut. Il n'y a pas de ségrégation par rapport à ça, cela à la fois pour avoir des arguments contre l'accusation de concurrence déloyale, ce qui est très sensible dans les pays anglo-saxons, et à la fois pour permettre une mixité, dans l'organisation du programme pour son équilibre d'une ingénierie financière durable, qu'on puisse intégrer aussi, comme le font les Allemands, des éléments qui sont des éléments d'activité ou de services à la personne, et qui auront leur propre économie de retours sur investissements sur le projet.
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Troisième point, la gouvernance, c'est favoriser la participation des habitants aux activités du CLT. Dans les CLT, il n'est pas question d'habitat participatif. L'habitat participatif peut être intégré dans le processus, mais ce n'est pas un processus fait pour l'habitat participatif. C'est fait pour permettre à des gens qui sont en dessous des seuils normaux d'accession à la propriété ou à la location par rapport à leurs revenus. En France, c'est pour des populations qui sont premier, deuxième et troisième décile. Eux, ils peuvent rentrer dans le CA du CLT. Ils vont être dans la gouvernance de cette maîtrise d'ouvrage globale. C'est les gens qui sont dans le CLT qui élisent librement les membres du CA. Les gens prennent par délégations des responsabilités électives, et à partir de ce moment-là les municipalités, entre autres, peuvent nommer des gens au siège quand ils sont partie prenante. Et puis, avec la représentation à part égale entre la société civile, les locataires, et les représentations des collectivité, on est sur un système de représentation dans lequel on ne laisse pas de leadership, de majorité, ou de minorité de blocage de fonctionnement. Voilà, ce sont les éléments.
 
Troisième point, la gouvernance, c'est favoriser la participation des habitants aux activités du CLT. Dans les CLT, il n'est pas question d'habitat participatif. L'habitat participatif peut être intégré dans le processus, mais ce n'est pas un processus fait pour l'habitat participatif. C'est fait pour permettre à des gens qui sont en dessous des seuils normaux d'accession à la propriété ou à la location par rapport à leurs revenus. En France, c'est pour des populations qui sont premier, deuxième et troisième décile. Eux, ils peuvent rentrer dans le CA du CLT. Ils vont être dans la gouvernance de cette maîtrise d'ouvrage globale. C'est les gens qui sont dans le CLT qui élisent librement les membres du CA. Les gens prennent par délégations des responsabilités électives, et à partir de ce moment-là les municipalités, entre autres, peuvent nommer des gens au siège quand ils sont partie prenante. Et puis, avec la représentation à part égale entre la société civile, les locataires, et les représentations des collectivité, on est sur un système de représentation dans lequel on ne laisse pas de leadership, de majorité, ou de minorité de blocage de fonctionnement. Voilà, ce sont les éléments.
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Viennent ensuite plusieurs principes dans le fonctionnent des CLT. Acquérir et gérer, les deux vont ensemble : une fois qu'on acquiert on devient responsable dans le temps de ce qu'on a acheté. Ensuite, c'est réhabiliter, réaliser et faire réaliser ; donc, ce n'est pas forcément du neuf. Diminuer le coût immobilier, c'est injecter le bilan financier dans l'ensemble en le sortant, c'est-à-dire que tous les éléments des apports vont être cristallisés dans le terrain, c'est sanctuarisé. C'est l'idée que cette aide profite à plusieurs générations. C'est quelque chose qui est dans la continuité de la valeur d'usage, d'intérêt collectif. Les baux sont de longue durée. Conférer aux repreneurs des droits réels transmis hypothécables, c'est pour permettre que des gens puissent avoir une relation à un capital qui existe par rapport à ce qu'ils ont acheté, même si ce n'est pas eux qui ont été au début. Conditionner la conclusion des baux à des clauses particulières , c'est plafonner des ressources aux primo-accédants. Dans les analyses nord-américaines on se rend compte qu'avec ce calcul de loyer relativement bas, ou d'achat bas, les gens qui ne pouvaient pas devenir accédants ont acquis un capital qui leur permet d'aller dans le marché quand ils sortent du CLT. Ils n'ont pas perdu de l'argent, ils ont créé une épargne. Le plafonnement du crédit hypothécaire à hauteur de la valeur conventionnelle des biens, ça c'est une des clés qui empêche la spéculation. Le plafonnement des ressources des héritiers autres que le conjoint et des descendants du preneur, c'est une clause de verrouillage : si les descendants ont des moyens, ils ne vont pas pouvoir avoir le droit d'usage, de venir habiter, donc il va y avoir des cessions. On libère le volume pour des gens qui en ont besoin. C'est un ascenseur social. Les héritiers gardent le droit de pouvoir habiter là si ils sont dans les mêmes conditions de ressource. Si ils sont au-dessus, la personne qui a acheté va avoir une récupération de son capital et ça devient une transmission. Il n'y a pas de perte sur l'investissement. On revient sur les logiques d'assurance à capitalisation qui sont très fréquentes dans les pays anglo-saxons. Ce n'est pas le bien qui devient l'épargne, c'est leurs efforts pour acquérir le bien qui leur permettent d'avoir une épargne.
 
Viennent ensuite plusieurs principes dans le fonctionnent des CLT. Acquérir et gérer, les deux vont ensemble : une fois qu'on acquiert on devient responsable dans le temps de ce qu'on a acheté. Ensuite, c'est réhabiliter, réaliser et faire réaliser ; donc, ce n'est pas forcément du neuf. Diminuer le coût immobilier, c'est injecter le bilan financier dans l'ensemble en le sortant, c'est-à-dire que tous les éléments des apports vont être cristallisés dans le terrain, c'est sanctuarisé. C'est l'idée que cette aide profite à plusieurs générations. C'est quelque chose qui est dans la continuité de la valeur d'usage, d'intérêt collectif. Les baux sont de longue durée. Conférer aux repreneurs des droits réels transmis hypothécables, c'est pour permettre que des gens puissent avoir une relation à un capital qui existe par rapport à ce qu'ils ont acheté, même si ce n'est pas eux qui ont été au début. Conditionner la conclusion des baux à des clauses particulières , c'est plafonner des ressources aux primo-accédants. Dans les analyses nord-américaines on se rend compte qu'avec ce calcul de loyer relativement bas, ou d'achat bas, les gens qui ne pouvaient pas devenir accédants ont acquis un capital qui leur permet d'aller dans le marché quand ils sortent du CLT. Ils n'ont pas perdu de l'argent, ils ont créé une épargne. Le plafonnement du crédit hypothécaire à hauteur de la valeur conventionnelle des biens, ça c'est une des clés qui empêche la spéculation. Le plafonnement des ressources des héritiers autres que le conjoint et des descendants du preneur, c'est une clause de verrouillage : si les descendants ont des moyens, ils ne vont pas pouvoir avoir le droit d'usage, de venir habiter, donc il va y avoir des cessions. On libère le volume pour des gens qui en ont besoin. C'est un ascenseur social. Les héritiers gardent le droit de pouvoir habiter là si ils sont dans les mêmes conditions de ressource. Si ils sont au-dessus, la personne qui a acheté va avoir une récupération de son capital et ça devient une transmission. Il n'y a pas de perte sur l'investissement. On revient sur les logiques d'assurance à capitalisation qui sont très fréquentes dans les pays anglo-saxons. Ce n'est pas le bien qui devient l'épargne, c'est leurs efforts pour acquérir le bien qui leur permettent d'avoir une épargne.
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Le reste vous pourrez le lire en allant sur le site community land trust. Vous pourrez y voir l'exemple du CLT de Burlington, le BCLT, dans le Vermont, qui compte 6000 membres. Il y a un effet de massification nécessaire, parce que sinon on ne dépasse jamais les seuils pour permettre d'avoir une temporisation que l'on maîtrise. Ils ont à peu près 1500 logements locatifs, 500 biens et maisons, ça fait 2000 logements à peu près. Au fil des mutations, le CLT parvient à reloger des ménages dont le revenu moyen est inférieur à celui de leurs prédécesseurs. Ils sont partis avec une cible à 80 % du plancher du coût social pour avoir une aide à l'accession, et aujourd'hui ils sont capables de reloger des gens qui sont à 68%, c'est-à-dire 12 points en dessous. En France, la loi a transcrit ces exemples-là sous forme des OFS, Organismes Fonciers Solidaires [article 164 de la loi Alur 2014].
 
Le reste vous pourrez le lire en allant sur le site community land trust. Vous pourrez y voir l'exemple du CLT de Burlington, le BCLT, dans le Vermont, qui compte 6000 membres. Il y a un effet de massification nécessaire, parce que sinon on ne dépasse jamais les seuils pour permettre d'avoir une temporisation que l'on maîtrise. Ils ont à peu près 1500 logements locatifs, 500 biens et maisons, ça fait 2000 logements à peu près. Au fil des mutations, le CLT parvient à reloger des ménages dont le revenu moyen est inférieur à celui de leurs prédécesseurs. Ils sont partis avec une cible à 80 % du plancher du coût social pour avoir une aide à l'accession, et aujourd'hui ils sont capables de reloger des gens qui sont à 68%, c'est-à-dire 12 points en dessous. En France, la loi a transcrit ces exemples-là sous forme des OFS, Organismes Fonciers Solidaires [article 164 de la loi Alur 2014].
  
 
'''Judith Fernandez''' : C'est le logement social français.
 
'''Judith Fernandez''' : C'est le logement social français.
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Christian Faliu''' : C'est le logement social en France que les associations prennent en charge, pas ce que les bailleurs sociaux prennent en charge.
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'''Christian Faliu''' : C'est le logement social en France que les associations prennent en charge, pas ce que les bailleurs sociaux prennent en charge.
  
 
'''Judith Fernandez''' : On sait qu'à chaque fois qu'il y a une location d'un logement social, les familles qui arrivent après ont moins de ressources que les premiers locataires, toutes les études le montrent.
 
'''Judith Fernandez''' : On sait qu'à chaque fois qu'il y a une location d'un logement social, les familles qui arrivent après ont moins de ressources que les premiers locataires, toutes les études le montrent.
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'''Pierre-Yves Jan''' : On voit bien qu'il y a un débat. Parce qu'en fait, les CLT, ça pose le problème des systèmes anglo-saxons, avec des philanthropes, donc ça percute la question des politiques publiques, qui sont effectivement très importantes en France comparativement. Il y a déjà un grand secteur public, qui a déjà organisé un certain nombre de choses, avec un droit de préemption, des systèmes de contrôles du foncier, des systèmes du monde HLM. On s'aperçoit que ce système-là c'est pour les gens, sans les gens. Les CLT ont l'avantage de permettre éventuellement des apports citoyens pour s'intéresser à des domaines d'intérêt général, mais on ne voit pas comment le dialogue va se faire avec les politiques publiques.
 
'''Pierre-Yves Jan''' : On voit bien qu'il y a un débat. Parce qu'en fait, les CLT, ça pose le problème des systèmes anglo-saxons, avec des philanthropes, donc ça percute la question des politiques publiques, qui sont effectivement très importantes en France comparativement. Il y a déjà un grand secteur public, qui a déjà organisé un certain nombre de choses, avec un droit de préemption, des systèmes de contrôles du foncier, des systèmes du monde HLM. On s'aperçoit que ce système-là c'est pour les gens, sans les gens. Les CLT ont l'avantage de permettre éventuellement des apports citoyens pour s'intéresser à des domaines d'intérêt général, mais on ne voit pas comment le dialogue va se faire avec les politiques publiques.
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Judith Fernandez''' : Je suis tout-à-fait d'accord avec vous, mais il ne faut pas que les gouvernements se disent « c'est pas grave, nous on ne fait plus, et c'est aux habitants de faire ». Ce que je reprocherais peut-être dans le modèle américain, c'est qu'on a cette impression que c'est parce qu'il n'y a rien qu'il y a ça. Je pense que les deux peuvent cohabiter, mais il ne faudrait pas que ça, ça prenne le pas sur ce qui se construit depuis les habitations à loyers modérés.
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'''Judith Fernandez''' : Je suis tout-à-fait d'accord avec vous, mais il ne faut pas que les gouvernements se disent « c'est pas grave, nous on ne fait plus, et c'est aux habitants de faire ». Ce que je reprocherais peut-être dans le modèle américain, c'est qu'on a cette impression que c'est parce qu'il n'y a rien qu'il y a ça. Je pense que les deux peuvent cohabiter, mais il ne faudrait pas que ça, ça prenne le pas sur ce qui se construit depuis les habitations à loyers modérés.
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Noa Soudée''' : Daniel Cueff, vous pouvez nous parler de l’Établissement Public Foncier de Bretagne ?
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'''Noa Soudée''' : Daniel Cueff, vous pouvez nous parler de l’Établissement Public Foncier de Bretagne ?
  
 
=====Intervention de Daniel Cueff sur l'Établissement Public Foncier de Bretagne=====
 
=====Intervention de Daniel Cueff sur l'Établissement Public Foncier de Bretagne=====
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'''Chistian Faliu''' : On ne peut pas avoir des critères en dehors de l'acceptation des obligations, autrement on est dans la ségrégation, et c'est du pénal.
 
'''Chistian Faliu''' : On ne peut pas avoir des critères en dehors de l'acceptation des obligations, autrement on est dans la ségrégation, et c'est du pénal.
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Pierre-Yves Jan''' : Oui, le principe ce n'est pas de faire de la sélection de la part de ceux qui sont là, qui vont profiler l'entrant, le principe c'est que l'entrant comprenne bien la spécificité du projet et apporte son consentement, à ce qu'il y ait un chambre d'amis, il y a des règles de jardinage, etc., il adhère à un projet. Et il sait que c'est pour être résident, ce n'est pas pour louer. On peut imaginer que ça fasse des ventes pas forcément au prix du marché libre. Ça n'altère pas énormément la valeur des lots. Si les gens sont d'accord, ils achètent des lots qui ne sont pas pour le loyer, c'est pour habiter, avec un certain nombre de mutualisation d'espaces qui font que ça ne correspond pas à un logement ordinaire. L'idée de tout ça c'est de faire que tout entrant comprenne clairement dans quoi il entre. S'il est dans une société d'attribution, il s'engage dans des formes de charte dans le fonctionnement de la société, une société durable. S'il entre dans une société coopérative c'est pareil, il devient associé, il y a aussi une charte, dans une coopérative ça s'appelle contrat coopératif. Dans les deux cas, l'idée nouvelle c'est de penser à quelque chose qui est durable et transmissible.
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'''Pierre-Yves Jan''' : Oui, le principe ce n'est pas de faire de la sélection de la part de ceux qui sont là, qui vont profiler l'entrant, le principe c'est que l'entrant comprenne bien la spécificité du projet et apporte son consentement, à ce qu'il y ait un chambre d'amis, il y a des règles de jardinage, etc., il adhère à un projet. Et il sait que c'est pour être résident, ce n'est pas pour louer. On peut imaginer que ça fasse des ventes pas forcément au prix du marché libre. Ça n'altère pas énormément la valeur des lots. Si les gens sont d'accord, ils achètent des lots qui ne sont pas pour le loyer, c'est pour habiter, avec un certain nombre de mutualisation d'espaces qui font que ça ne correspond pas à un logement ordinaire. L'idée de tout ça c'est de faire que tout entrant comprenne clairement dans quoi il entre. S'il est dans une société d'attribution, il s'engage dans des formes de charte dans le fonctionnement de la société, une société durable. S'il entre dans une société coopérative c'est pareil, il devient associé, il y a aussi une charte, dans une coopérative ça s'appelle contrat coopératif. Dans les deux cas, l'idée nouvelle c'est de penser à quelque chose qui est durable et transmissible.
  
 
'''Christian Faliu''' : Il y a une chose qui est intéressante dans la coopérative d'habitat, c'est les gens qui vont rentrer vont continuer à l'abondement de leur capital au fur et à mesure de leur vie dans l'espace qu'ils ont. Mais la société coopérative d'habitat va pouvoir effectuer un emprunt collectif, c'est-à-dire que les gens ne sont pas chargés forcément de prendre un emprunt. Il peut avoir un calcul étalé, et quand ils partent ils récupèrent cette épargne, ce n'est pas à fonds perdu, et les suivants viennent reprendre la suite. Dans les CLT, c'est quelque chose qui est mécanique.
 
'''Christian Faliu''' : Il y a une chose qui est intéressante dans la coopérative d'habitat, c'est les gens qui vont rentrer vont continuer à l'abondement de leur capital au fur et à mesure de leur vie dans l'espace qu'ils ont. Mais la société coopérative d'habitat va pouvoir effectuer un emprunt collectif, c'est-à-dire que les gens ne sont pas chargés forcément de prendre un emprunt. Il peut avoir un calcul étalé, et quand ils partent ils récupèrent cette épargne, ce n'est pas à fonds perdu, et les suivants viennent reprendre la suite. Dans les CLT, c'est quelque chose qui est mécanique.
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'''Maryvonne Loiseau''' : Nous, on s'est heurté, pour le locatif social, sur les questions des règles d'attribution dans les commissions d'attribution du logement social. Là ça a été réglé semble-t-il, puisque il y aura un fléchage « habitat participatif » qui pourra être fait dans les demandes de logement social. C'est une avancée, mais c'était un des gros problèmes. Et le deuxième soucis auquel on se heurte aujourd'hui c'est que les emprunts collectifs, pour l'instant ce n'est pas réglé. C'est-à-dire qu'au niveau du financement, le Village vertical ne pourrait sans doute plus faire maintenant, puisqu'ils ont eu un prêt sur 50 ans et que maintenant c'est un peu plus compliqué. C'est le sujet de la prochaine Démarche Collective d'Innovation, au niveau national, qui va travailler le 22 avril sur la question du financement, ce qui n'est pas encore tout-à-fait réglé. Et d'autre part, sur les espaces collectifs, ça ne suffit pas d'avoir des espaces communs pour avoir un habitat participatif, puisqu'il y a actuellement des promoteurs qui s'emparent de cette notion d'habitat participatif, partagé, et d'espace commun, et qui vendent des immeubles avec des espaces communs. Et qui font de la pub pour, on l'a vu à la dernière séance de la DCI.
 
'''Maryvonne Loiseau''' : Nous, on s'est heurté, pour le locatif social, sur les questions des règles d'attribution dans les commissions d'attribution du logement social. Là ça a été réglé semble-t-il, puisque il y aura un fléchage « habitat participatif » qui pourra être fait dans les demandes de logement social. C'est une avancée, mais c'était un des gros problèmes. Et le deuxième soucis auquel on se heurte aujourd'hui c'est que les emprunts collectifs, pour l'instant ce n'est pas réglé. C'est-à-dire qu'au niveau du financement, le Village vertical ne pourrait sans doute plus faire maintenant, puisqu'ils ont eu un prêt sur 50 ans et que maintenant c'est un peu plus compliqué. C'est le sujet de la prochaine Démarche Collective d'Innovation, au niveau national, qui va travailler le 22 avril sur la question du financement, ce qui n'est pas encore tout-à-fait réglé. Et d'autre part, sur les espaces collectifs, ça ne suffit pas d'avoir des espaces communs pour avoir un habitat participatif, puisqu'il y a actuellement des promoteurs qui s'emparent de cette notion d'habitat participatif, partagé, et d'espace commun, et qui vendent des immeubles avec des espaces communs. Et qui font de la pub pour, on l'a vu à la dernière séance de la DCI.
  
Nao Soudée : Vincent Renard, vous avez le mot de la fin.
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'''Noa Soudée''' : Vincent Renard, vous avez le mot de la fin.
  
 
=====Grand témoin : Vincent Renard=====
 
=====Grand témoin : Vincent Renard=====

Version du 27 juin 2014 à 08:54