Action 3 : Quelle équation pour un accès au foncier avec l'habitat participatif ?

De Economie Solidaire Brest.

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'''Vendredi11 avril 2014, Lorient Salle "auditorium" dans les locaux de la Maison de la recherche, Faculté des Lettres, Sciences humaines et sociales de Lorient, bâtiment "Le Paquebot"'''
 
'''Vendredi11 avril 2014, Lorient Salle "auditorium" dans les locaux de la Maison de la recherche, Faculté des Lettres, Sciences humaines et sociales de Lorient, bâtiment "Le Paquebot"'''
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====Présentation de l’atelier====
 
====Présentation de l’atelier====
  
La question de la recherche du foncier se pose de façon immédiate pour les projets d’habitat participatif. Très vite ils se heurtent à un marché plus ou moins accessible en fonction des moyens dont ils disposent. Dès leurs premières démarches, certains interpellent les pouvoirs publics locaux, espérant obtenir une intervention spécifique de leur part.
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La question de la recherche du foncier se pose de façon immédiate pour les projets d’habitat participatif. Très vite ils se heurtent à un marché plus ou moins accessible en fonction des moyens dont ils disposent. Dès leurs premières démarches, certains interpellent les pouvoirs publics locaux, espérant obtenir une intervention spécifique de leur part. Comment les projets d’habitat participatif parviennent-ils à s’insérer dans les marchés du foncier et du logement, dont il convient de comprendre les principaux mécanismes et en particulier ceux qui conduisent à la spéculation ? Quels rôles peuvent jouer les pouvoirs publics avec les outils de régulation dont ils disposent pour répondre à la demande sociale des groupes d’habitants ? Quelles évolutions se dessinent à présent avec l’application de la loi ALUR ?
Comment les projets d’habitat participatif parviennent-ils à s’insérer dans les marchés du foncier et du logement, dont il convient de comprendre les principaux mécanismes et en particulier ceux qui conduisent à la spéculation ? Quels rôles peuvent jouer les pouvoirs publics avec les outils de régulation dont ils disposent pour répondre à la demande sociale des groupes d’habitants ? Quelles évolutions se dessinent à présent avec l’application de la loi ALUR ?
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Par ailleurs, l’habitat participatif pourrait être une réponse sur le long terme aux problèmes d’accès au logement, en mettant en place des mécanismes anti-spéculatifs. Qu’en est-il réellement ?
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Habitants, politiques, urbanistes, économistes, sociologues confronteront leurs pratiques et leurs analyses sur ces questions de l’accès au foncier pour un habitat différent.
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La recherche du foncier est une étape sine qua non de tout projet d'habitat participatif. Elle est souvent longue et difficile. Elle configure le projet dans ses dimensions tant en tant qu'implantation qu'en tant que taille de logement et du groupe d'habitants. Elle est la principale étape qui conjugue les projets et les rêves de départ avec les réalisations concrètes et de nombreuses désillusions. Le recensement des expériences des livres de Pascal Greboval (Vivre en habitat participatif, Alternatives, 2013) et de Yves Conan (L'habitat groupé participatif, Ouest-France, 2012) montrent qu'aujourd'hui la moitié des groupes trouvent leur terrain par les voies classiques du marché. Pour l'autre moitié, la recherche est facilitée par des collectivités territoriales, généralement des municipalités, et bien souvent des bailleurs sociaux. Cette tendance est beaucoup plus forte que lors des années 1970 et 1980. Nombre de ces expériences de partenariat montrent des avantages – terrain réservé (dans des ZAC ou des terrains hors du marché), décoté au prix du logement social, etc. Plusieurs montrent aussi qu'elles n'évacuent les compromis nécessaires à vivre pour les futurs habitants, dans leur recherche d'un mieux-vivre par leur habitat (les terrains sortis du marché le sont rarement sans raison...).
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L'objectif d'anti-spéculation se situe à un autre moment de la vie des habitats participatifs, lors de la réattribution des logements. L'enjeu est d'éviter une dérive de prix de ces logements au fil des années. Cet objectif est particulièrement présent depuis les années 2000, dans la plupart des présentations générales de l'habitat participatif, et particulièrement dans l'article 47 de la loi Alur de 2014 qui donne un statut juridique spécifique à l'habitat participatif. Pour autant, seul un tiers des expériences recensées dans les livres cités ont mis en place de réels mécanismes anti-spéculatifs, au-delà de déclaration d'intention dans des chartes, qui, pour avoir sans doute une valeur de contrainte morale, ne peuvent avoir de valeur de contrainte juridique. Ces mécanismes sont divers : baux emphytéotiques, démembrement des formes de propriétés, désolidarisation du foncier et du bâti, obligation à la valeur d'usage en tant que résidence principale, indexation des valeurs marchandes des logements au coût de la vie, au coût de la construction, à l'Indice de Réévaluation des Loyers, ou, plus souvent, gestion par un bailleur social. Ces mécanismes ont un point commun : en attribuant la propriété du logement à une personne morale et non aux habitants personnes physiques, ils évitent de passer par marché immobilier pour gérer les réattributions. Cela se confronte cependant à deux freins majeurs : le renoncement à la valeur de la transmission du patrimoine, et la question de l'appauvrissement relatif pour se reloger par la suite.
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'''Judith Fernandez''' (Service Habitat de Lorient Agglomération) juge que ces clauses juridiquement contraignantes peuvent se révéler emprisonnantes et dangereuses pour les habitants et les groupes eux-mêmes, davantage que dans la réévaluation des biens au prix du marché.
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'''Maryvonne Loiseau, Élisabeth Dugay et Claude Jouanno''', des Toits partagés (projet d'habitat participatif dans une ZAC à Lorient) témoignent de l'évolution de leurs propres mentalités quant aux notions de transmission de patrimoine au fur et à mesure de la construction de leur projet. Marie Laurence Troalen Simon, Vincent et Delphine Riché, de la Catiche – Hâ Brest (projet d'habitat participatif né d'un appel à projet à Brest) abondent dans le même sens, en présentant le cheminement pour réaliser leur projet comme un « deuil permanent » par rapport aux exigences de départ, en termes de taille et d'implantation des terrains proposés, de qualité des logements, etc. La question de l'adéquation avec les objectifs de politique publique, confondue avec la notion d'intérêt général, se pose pour obtenir le soutien des collectivités et des bailleurs sociaux, en termes de mixité sociale, intergénérationnelle, de logement social, de lien social, de densification du logement, d'anti-spéculation, d'écologie, etc.
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'''Pierre-Yves Jan''' (Parasol, Eco-Habitat groupé) tient à différencier la valeur marchande et la valeur d'usage et de la propriété, la seconde pouvant être familiale, coopérative, sociétaire, sans être affairiste. Il rappelle aussi que les mécanismes anti-spéculatifs sont de l'intérêt des groupes d'habitat participatif, pour éviter que les renouvellements d'habitants ne se fassent que sur des critères financiers. Il précise que l'habitat participatif, du moins dans sa forme définie par la loi Alur de 2014, n'est pas à proprement parler une politique publique, mais une « démarche citoyenne », qu'il faut « croiser avec la politique publique ». Cela suppose des partenariats, et une certaine idée de la « contribution à la société ». Par ailleurs, il situe la principale innovation de l'article 47 de la loi Alur dans la constitution de société durable, transmissible, qui ne se limite pas à la construction. Enfin, il signale que ce système coopératif ne permet pas de constituer de la richesse, mais tout de même de constituer une épargne.
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'''Christian Faliu''' précise que la propriété est de plusieurs types, de titre, d'usage, et d'abusus, et que ce n'est que depuis la Révolution que ces trois types sont regroupés en une seule notion en France, alors que ce n'est pas le cas dans les pays anglo-saxons et nordiques. Il présente par ailleurs les principes des Community Land Trust, dont le modèle anglo-saxon cherche à se traduire en France depuis la création de l'association CLT France en décembre 2013 et par la création des Organismes Fonciers Solidaires avec l'article 164 de la loi Alur de 2014. Il s'agit de coopératives d'habitat qui répondent à des demandes de logement abordable, de manière coopérative, et de façon durable. Cela pose la question de l'articulation avec le modèle français du logement social. Plus de précisions sur le site www.communitylandtrust.fr.
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'''Daniel Cueff''' (Établissement Public Foncier de Bretagne) présente quant à lui le travail de son établissement, et les problématiques auxquelles il s'attache en matière de logement, parmi lesquels l'enjeu de repeupler les bourgs, avec les questions de transports et d'activités locales qui vont avec. L'EPF de Bretagne est prête à proposer du foncier pour des projets d'habitat participatif dans plusieurs petites communes bretonnes, parmi lesquelles Mellé, Josselin, Huelgoat, Guelesquin, Guingamp. Il signale par ailleurs le phénomène de la désertion des résidences secondaires sur le territoire, ce qui est une autre nouvelle piste de recherche de foncier, tout en précisant l'ensemble des aides disponibles en matière de rénovation et de réhabilitation de logements.
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'''Samuel Lanoë''', de l'Epok (structure d'accompagnement de l'habitat participatif), observe que le mouvement de l'habitat participatif, parti il y une dizaine d'année de milieux urbains, militants, écologiques, se diversifie aujourd'hui vers les campagnes, avec les problématiques de proximité de services et de transports que cela suppose. Ces nouveaux projets cherchent à développer une activité économique et sociale dans ces territoires, ce qui forme un nouveau type de militantisme.
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'''Raphaël Jourjon''', de Relier (association d'accompagnement des projets ruraux innovants) situe l'engagement de son association sur les problématiques foncières agricoles, et, plus récemment, sur les projets d'habitat en milieu rural, qui sont à l'origine de la création de l'association Habitat Participatif et Finances Citoyennes en 2012 et de la SCIC Co-finançons notre habitat en 2013 qui répondent à des demandes en termes de montages financiers. Il rappelle que de nombreux terrains sont disponibles, et que l'enjeu est de convaincre les propriétaires de la pertinence de les céder.
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'''Vincent Renard''' (économiste du foncier au CNRS et à la Revue Études Foncières), enfin, s'étonne du manque de développement des démarches d'habitat participatif en France, alors qu'elles sont banalisés dans plusieurs pays voisins, tels que l'Italie, l'Autriche, l'Allemagne. Pourtant, poursuit-il, les avantages sont importants en termes d'implications humaines, mais aussi en termes d'économies financières : « on ne peut pas en vouloir aux promoteurs, mais il ne faut pas les laisser seuls ! ».
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Un document plus complet et les comptes rendus des ateliers  précédents sont disponibles sur : http://wiki.eco-sol-brest.net/index.php?title=Programme_de_recherche_E2-HP2
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Achevé d'écrire : Juin 2014.  
  
 
====Bibliographie====
 
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* '''RENARD Vincent''', « Offrir du foncier ». Annales des Mines - Responsabilité et environnement, n°52, 1er décembre 2008, pp 44-49.
 
* '''RENARD Vincent''', « Offrir du foncier ». Annales des Mines - Responsabilité et environnement, n°52, 1er décembre 2008, pp 44-49.
 
  
  

Version du 26 juin 2014 à 16:06